On fume

On fume parce qu'on n'arrive pas à dormir, pas assez tôt. On s'endort très tard, quand on ne peut plus rien penser, parce qu'on a trop fumé. Alors on ne se réveille pas. Pas assez tôt pour avoir envie de dormir au moment où il le faudrait. Et on consume l'insomnie à nouveau. Dans une énième clope. Et dans les volutes de fumée, on regarde le temps défiler. Le temps noir de la nuit blanche. Et le lendemain n'existera presque pas. C'est la nuit d'après qui, seule, prendra place. Et on la repoussera du plus qu'on peut, du plus qu'on peut fumer. Et tout ça s'enchaînera sur des mois, jusqu'à s'ancrer dans des années. Et on passera notre vie à nous contempler dans un cendrier. On passera notre vie à fumer, à se fumer soi-même, à mourir un peu plus chaque jour, comme chacune de nos cigarettes. On répètera inlassablement ce geste là: rouler la clope du mieux qu'on peut, pour mieux la tuer, pour la voir partir en fumée. C'est ce qu'on fait de son argent, c'est ce qu'on fait de son temps, c'est ce qu'on fait de sa vie. On a beau le savoir, cela ne nous effraie pas. C'est justement là qu'on se fait vraiment peur. Quand on n'a même plus peur de se détruire. Quand on prend le temps de se tuer à petit feu. Quoi de plus contemporain? Rien dans ce monde n'interdit de faire ça. Pourtant il s'agit bien d'un homicide volontaire. Du moins, c'est ainsi que ça devrait être considéré. Mais personne ne vient nous arrêter. Alors on continue d'enfumer ce monde d'hypocrites. Que cherchons-nous dans ce brouillard épais? Dans ce feu qu'on allume à notre bouche et qui se mèle à l'air qui nous tient en vie. Il y a là du plaisir: le goût de la vie et de la mort mélangées peut-être. On fume, sûrement, parce qu'on n'arrive pas à mourir, pas assez tôt. 

 

 

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