mon voyou mon fripon mon frère
aux mamelles de ta langue
j’ai têté entêtée
ton lait doux et amer
et j'ai caressé même léché
le corps visqueux et exsangue
de tes crachats dans les glaïeuls
tu m’illunes durant les nuits d’hiver
et allumes sur mes lèvres des orages d’été
tes vers m’assaillent où je m’encanaille
ô toi mon amour ô toi ma racaille
des pubescences impudiques de tes aveux bleutés
je farfouille les entrailles et perchée
sur tes voyelles à la cime des tilleuls
au ciel inachevé de ton big bang
j’effeuille timidement tes semailles
maître fils amant
dieu secret ou enfant
tu es mon âme égarée
au siècle dernier
comme par une fente un ailleurs
qui d'un coup me remplit
tu es mon voyeur
tu es mon voyant
toi qui regrettais l'Europe aux anciens parapets
te voilà surgi du haut d'un escalier
me lançant ton regard d'homme comme un trait
un point final aux phrases taillées dans les espaliers
ainsi trompais-tu l'ennui
entre un homme en pyjama
et une dame de compagnie
ainsi trompais-tu l'ennemi
par une subtile moustache et un regard de roi
déchu sans histoire et sans fable
abattu dans ta chemise écrue
accoudé toujours accoudé au coin de la table
tu rumines une éternité de mots crus
comme disait ma grand mère y a pas de quoi braire
pourtant je bénis au soir fauve les deux libraires
qui ont découvert au fond d'une malle
le cliché qui réveille en moi ton souvenir animal
je suis la fille des ouvriers d’à côté
celle qui avait des tresses
et à qui tu mordais les fesses
je te donnais des croquettes
et des coups de poing dans la tête
comme seules savent en donner
les gamines de la vallée
tu me faisais des baisers
de paysan des morsures de serpent
moi je te donnais mon cul tout blanc
le gout de la peau en sueur et du sang
et rien ne fut jamais plus excitant
je suis la fille des ouvriers d’à côté
à toi petit poète de sept ans
j'ai appris à serrer les dents
à sucer et à recracher
toute l’essence de la beauté
en moi ta langue a baigné
comme ta plume dans l'encrier
et si tu as piétiné méprisé
mes mièvres mysticités
et ma cervelle sans science
tu as bien fini par admettre
sale traitre que le silence
d'entre tous les poètes est le maître
quelques poèmes du voyou Rimbaud
machouillés par la fille des ouvriers d'à côté
le coeur violé
mes petites amoureuses
les chercheuses de poux
cette fois c'est la femme
l'étoile a pleuré rose
les mains de Jeanne-Marie