Cher Monsieur,
en réponse à votre lettre, je vous confirme que personne ne m'a apporté conseil ou aide, personne. En effet, il n’y avait qu’un seul chemin. Comme vous l'avez prescrit, j'ai cherché en moi-même. J'ai exploré la raison qui me commande d'écrire; examiné si elle plonge ses racines au plus profond de mon coeur; et je me suis fait cet aveu : je mourrais s'il m'était interdit d'écrire. Ceci surtout : je me suis demandée à l'heure la plus silencieuse de ma nuit; me faut-il écrire ? J'ai creusé en moi-même à la recherche d'une réponse profonde. Et celle-ci était affirmative,"oui, il le faut", alors j'ai bati ma vie selon cette nécessité; ma vie, jusqu'en son heure la plus indifférente et la plus infime, est devenue le signe et le témoin de cette impulsion. Je me suis approchée de la nature. Puis j'ai essayé, comme un premier être humain, de dire ce que je voyais, ce que je vivais, aimais et perdais. Et même si j'ai sûrement écrit trop de poèmes d'amour, privilège de mon sexe, ma solitude s'étend pour devenir une demeure de douce lumière, loin de laquelle passe le bruit des autres.
Réponse à Rainer Maria Rilke
Lettre à un jeune poète
Dio è morto, d'Andrea Satta
une heure, quelques années après