La comédie

Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin.

Le théâtre est donc, au premier chef, un service public.

Tout comme le gaz, l'eau, l'électricité.

Jean Vilar 

 

 

 

 

 

Dans les Centres Dramatiques Nationaux de France et de Navarre, ces institutions du service public qui portent si bien leur nom, on peut voir des spectacles plus flippants que des cuisines IKEA : gris, propres, étincelants, aseptisés, désinfectés, désincarnés. 

 

Sur le squelette scénographique de l'institution dramatique, bien souvent on cherche la viande, on cherche la chair, on cherche le goût et l'odeur. Mais il n'y a pas de moucherons qui gravitent comme des planètes autour du vieux citron solaire. On cherche l'amour et la vie, l'ivresse aussi, mais en vain. Car ici, on a pasteurisé le monde, on a retiré au nectar des dieux toutes ses bactéries.

 

Et on regrette le temps des natures mortes où chaque met se faisait symbole vital, allégorie gastronomique, métaphore succulente, où les couleurs et les formes étaient étalées pour nous ouvrir l'appétit, pour nous faire monter l'eau à la bouche, pour offrir à nos estomacs la substantifique moelle de la pensée, la douceur sucrée du rire.

 

Et tout est fait, dans les règles de l'art artificiel, pour nous faire oublier que le mot comédie vient de comer, qui veut dire manger. Et, à la manière des marchands scandinaves, qui essaient de nous faire croire qu'on pourrait manger sans rien tâcher, qu'on pourrait faire des omelettes sans jamais casser un oeuf, dans des cuisines designées comme des morgues sinistres (cachez ces miettes de pain que je ne saurai voir traîner sur mon plan de travail...), les tenanciers du théâtre contemporain d'Etat, les papes du spectacle vivant subventionné essaient de nous faire avaler des couleuvres, en nous présentant le théâtre comme un objet inaccessible, un art éthéré qu'on regarderait sans jamais toucher. 

 

Moi je veux manger du théâtre, comme je vais me faire une bonne bouffe. Je veux qu'on m'en mette plein la panse, je veux du sucre et du beurre généreux, de l'huile qui coule à flot, de la sauce et de la crème au fond de l'assiette, du coulis dégoulinant, des bouts de pain qui trempent, des légumes qui fondent, du vin en abondance, je veux que ça mijote au chaudron de mon cerveau. Je veux qu'on arrête de m'empêcher de jouir de mon premier et originel plaisir de vivre: me nourrir. 

 

Et j'en ai assez de voir du théâtre famélique, du théâtre d'anorexique. Moi je veux que le théâtre me fasse manger de la vie. Mais je constate que la vie s'est éloignée de ces lieux qui lui sont pourtant consacrés, ou bien l'en ont-ils peut être chassée. Et si on ne trouve plus la vie ni dans les cuisines des amis, ni dans les théâtres publics, que reste-t-il de notre humanité ? Hein Jean Vilar, qu'en penses-tu? 

 

  

 

 

 

 

 

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