Il ne sait combien de temps cela a duré. Il ne sait comment il s’est retrouvé dans ce lit, comme sur un petit brancard, sous ce duvet de plumes, calé entre deux bouillottes d’eau chaudes. Il ouvre un œil, puis deux, considérant avec stupéfaction cette cabine minuscule où il est allongé. Puis doucement les choses lui reviennent: le pont, le bateau, le tableau qui dégouline. 

Son regard se pose sur un œil de cuivre rond: le hublot. A travers lui passe un reflet de lumière qui vient faire scintiller la surface du fleuve sur le plafond de la cabine. Il n’a aucune envie de se lever, ni même de bouger un millimètre de son corps. L'espace qui l'entoure est si petit, si délicieusement lumineux, qu'il emplit tout son regard. Il sent le fluide du fleuve qui l’a traversé durant ce sommeil blanc. Il sait que son corps a vogué, qu’il ne s’est plus soucié de rien. Soudain il se demande s’il n’est pas encore du côté des rêves. Il ne lutte pas et se laisse reprendre par le sommeil.

Il ne sait combien de temps cela a duré. Combien de temps il est resté là, à dormir dans ce petit lit, et à s'éveiller doucement, à vivre dans ses yeux, à faire le tour de ce réduit sans bouger un sourcil, un petit doigt, et à s’y sentir parfaitement à son aise, à finir par penser de ne plus jamais vouloir en sortir.

Puis enfin, au bout d'un très long moment, il décide de se lever et, dans une infinie lenteur, comme si ses mouvements étaient freinés par la résistance de l’eau, il s'extirpe du lit. Tous ses gestes sont lourds, flottants, imprécis et, après un certain temps, difficilement stabilisé sur le plancher, il réussit à ouvrir la porte de la cabine. Il s’aperçoit alors qu’il a dormi sous la surface de l'eau, niché dans le sourire du bateau. 

2ème nuit

3ème nuit