Monologue de Nimrod
Moi, Nimrod, fils de Cham, j'ai pour aïeul Noé, je suis de la race de ceux qui ont survécu au déluge, je sais sur quel mont s'est échouée l'arche. J'ai construit Babylone et Ninive, pierre par pierre, j'ai régné sur Tyr et Ur. On dit aussi que j'ai inventé la Perse et l'écriture. J'ai élevé une tour, de briques et de mots, pour narguer le ciel, pour m'approcher de Lui, pas m'opposer, mais me placer face à Lui. Une tour si haute, une ville, Babel. J'ai voulu Lui dire que j'étais son égal. J'étais presque à sa hauteur lorsque, d'un revers de main, Il a fait s'écrouler la tour par les vents, a soufflé la ville en un éclair. J'ai fini par errer, dans les ruines de mes ambitions, colosse déchu soupirant devant l'ampleur. Un ridicule moustique a pénétré par les arcanes de mon nez, jusque dans mon cerveau, me condamnant à l'agonie de la folie. Depuis, par les chemins, je prie les pèlerins de me frapper la tête pour libérer ce moustique de mes pensées.