Une série de textes écrits à partir de petites têtes en pâte à modeler

1.

Se passer d’ailes. Ca doit se passer, ce passé d’elle. Je dois. Mais pour l'instant je bois. Ce doigt de poison esseulée. Mon cœur agonisant dans sa jambe qui boite. Et ce laid matin de grisaille froide. Et mes doigts déchiquetés sur le stylo amoureux, éconduit, douloureux. Ce matin de pluie, long comme toute une vie, passée à se passer d’elle.

2.

Laisse le ciel pleurer dans le fleuve. Et de tes yeux couler et s’abattre les déluges sans mémoire. Les plaines sont pleines des larmes du monde. Mais les rivières en crue déjà grondent. Elles diluent les douleurs et lavent les plaies. Elles charrient la tristesse vers des deltas impensables où les pluies se font nuées, en cheveux d'arc-en-ciel.

3.

Paupière de pierre. Je déteste la tristesse imprimée sur tes arcades sourcilières. Paupière de peau. J’aimerais soulager tes cernes d’une caresse de grand sommeil et d’un orangé chaud. Peau de pierre. De lichen et d’écorce sèche. Sur-face rugueuse. Ton regard ne serait-il pas le mien qui s’effrite là, dans le miroir ?

4.

Parfois on articule avec la bouche alors qu’il n’y a qu’à faire parler son cœur. Parfois on devrait dire sans les mots ce que les gestes, ou l’absence de geste, peuvent tout aussi bien traduire. Parfois on n’a pas les bonnes oreilles pour entendre le silence, ni le bon regard pour voir les signes. Le langage est la maladresse avec laquelle chacun tente d'exprimer au mieux sa vérité. Et nous parlons tous un langage différent. 

5.

L’œil est un doigt planté dans la matière. Quelle est l’inclinaison de mes sourcils vers le monde aujourd’hui ? Elle suit le fil de ma main, laisse se dérouler, laisse se dénouer la pensée. Jusqu’au bout du rouleau. Réussirai-je seule-ment à enrouler de nouvelles bobines? A remonter le cours du temps. Et revenir au présent. A cette vision : l’œil est un doigt planté dans la matière.

Vrac