« Jeune médecin et vigoureux, j’ai traversé, fort de mon présumé savoir, ce qu'il restait encore du Royaume de France, vaste forêt dépecée par la peste, du nord au midi, pour me tenir debout aux pieds des alpes. De l’autre côté fleurissait le Duché de Milan, où j’entrevis un duomo d'une taille gigantesque, alors en construction par des compagnons. Devant l’œuvre en chantier, je pensais à la cathédrale de mon enfance à Laon, aux bases de mon éducation auprès des chanoines, aux neuf arts fondamentaux de la connaissance représentés sur la rosace du transept nord. Leurs préceptes guidaient encore mon regard sur toute chose. A ce moment, je ne cherchais dans le monde que la confirmation du peu que je savais déjà. Puis j’atteignis la République de Florence, où pour la première fois, je vis des troupes de comédiens jouant des farces sur une grand place devant des audiences hilares. J’en avais entendu parler lors de mon séjour à Paris mais je n’en avais pas vus, car il fallait se rendre dans le quartier des Innocents, et on y croisait des gens pas très fréquentables pour les nobles. En cette contrée de Toscanie, régnait une telle joie de vivre, une si grande délicatesse entre les citadins qu’il ne nous était pas utile d’être trop méfiant. Je décidai de m’arrêter quelques jours à Sienne, car on me dit que cette ville était incontournable pour un médecin voyageur.