Je joue sur une guitare les désaccords de l’intérieur. Ca grésille parfois entre les doigts, ça attache les mains à un son, ça efface toute pensée, toute douleur, ne reste qu’une approximative mélodie de bout de bois, l’infime vibration d’une corde, qui s’évanouit dans le vent, qui tourne autour des arbres, et disparaît dans l’air, ça ne pourra jamais se retenir, ça ne pourra jamais se voir, ça ne pourra jamais s’attraper. Je ne pourrai que l’entendre une fois, et essayer, encore et encore, de faire vibrer de même l’instrument pour tenter de saisir, et ça demandera que je contraigne mes mouvements, sans cesse, et ça épuisera mes bras, et ça creusera mes doigts, et à force de répéter, de m’imiter, dans une transe obsédante, ça m’occupera tout le corps et le coeur et peut-être qu’au bout de la nuit je soufflerai les bougies et ça m’aidera à supporter le désaccord conclu en moi. Allongée, ça sentira bon le pin. Ca me fera quand même du bien.