Dans le chant du blé,
on entend tout un peuple souffler
l’insaisissable lien des générations.
C’est l’humanité.
Elle palpite de nourriture.
Elle vibre d’agriculture.
Elle frémit la culture.
Bordant les champs, ce sont des villages, des villes, des paysages.
Du pain ont fleuri les chansons, les rires, les inventions.
Et l’humanité a grandi avec le blé.
Le blé tendre.
Tendre comme l’homme civilisé. Tendre comme une femme aimée.
Ces grains également partagés de part et d’autre d’un brin.
Ces grains qui tiennent fermement leur épi. Pointé vers la lumière, c’est un miracle s’ils ne se défont pas. Le miracle auquel nous devons toute notre survie.
Ainsi rassemblés, on les a amassés. On a appris patiemment à les dissocier.
Une partie pour manger. Une partie pour semer.
On a invoqué des déesses, des divinités.
On a fait un dieu du blé.
Le dieu du ventre rassasié.
Depuis des millénaires, on frôle la chair de la terre, dans un geste déployé et dansé du bras, c’est ainsi qu’on bat la mesure du temps.
Avec le rythme du mouvement de l’ensemencement des champs.
Cette lente poussée, l’attente de la maturité.
Le vent qui assèche le champ. La pluie qui l’abreuve.
Une infinité d’étoiles tombant la nuit dans une infinité d’épis dressés.
Et dedans, les pas de l’homme, les pattes des boeufs, les empreintes des roues, comme un sillon de temps passé là. A attendre.
Que la terre nous donne: 4, puis 5, puis 10, puis 100 quintaux par hectare.
Que l’on passe, nous autres êtres humains, de un, à deux, puis cinq milliards.
On doit le savoir. L’admettre. C’est un miracle, complexe et fragile.
Sans les champs de blé, il n’y aurait pas d’humanité.
extrait n°4