Alors, je me suis débarrassée de mes vieilles illusions tenaces. Je les ai enfin jetées dans une benne à ordures, la benne destinées à ces vieilles croyances dont on s’aperçoit au fil du temps que ce n’est plus utile de les traîner avec soi.
J’ai laissé ce qui me pesait derrière moi, au chantier. J’ai karcherisé ma vieille coque, et j’ai demandé aux ouvriers d'y mettre deux couches de goudron noir.
Aussi je suis ressortie comme neuve. Et le dragon du chantier va consumer doucement toutes ces saletés de valeurs que j'ai abandonnées, il les brûlera dans un spasme digestif bruyant.
Et on entendra crépiter:
l’amour qui ne m’aime pas
l’ami qui ne m’aide pas
l’alter ego qui ne me reflète plus
l’autre qui ne me permet pas d’exister pour moi-même
la faute primordiale de ma naissance
l’abus sur moi de mes parents
la question récurrente de la mort
la peur de m’atteindre moi-même
Il n’y avait aucun tri à faire : juste approcher la benne le plus près possible du pont et jeter, les unes après les autres, par-dessus bord, les pièces de ce moteur qui ne m’a amenée nulle part pour l’instant. Me défaire de ce superflu qui m'encombrait jusque là. Vider, simplifier, laisser derrière moi ces foutues engrenages rouillés, attentes stériles, expectatives vaines, sans même les regretter.
C'est ainsi que le chantier, de monstre qu'il était, devînt l'étonnante matrice de ma vie à venir.