Journal d'Ethiopie

Vendredi 20 octobre 2017 (jour de l’anniversaire d'Arthur Rimbaud) – Centre Culturel Harari

 

9h - Pauline et Nesrine sont arrivées tôt. Pauline a apporté du chameau cuit à l’étouffée, enveloppé dans des feuilles de magazine people. Elle le pose sur le bord de la scène, pour que tout le monde se serve, pendant que nous faisons le montage du spectacle.

 

The stars match : nous jouons notre première date en Ethiopie, le jour de l’anniversaire d’Arthur. C’est un hasard heureux. Autour de nous s’agite un nombre incalculable d’employés, de techniciens, d’ouvriers, venus pour nous aider. C’est beaucoup trop. Nous avons une petite heure de montage tranquille, et pas besoin d’autant de bras. Les gens, assez rapidement, ne savent plus vraiment quoi faire. Le système son monté par les techniciens est impressionnant. L’installation est au top. Et dire qu’il faut venir au fin fond de l’Afrique pour bénéficier d’un vrai service technique de haute qualité…

 

Des gens du public commencent à arriver, pendant que nous nous changeons. Une montée de stress me provoque une chiasse, comme rarement j’en ai eue. Il n’y a pas d’eau dans les toilettes et je suis obligée de déposer mes besoins sur les autres excréments qui stagnent déjà là depuis quelque temps. L’entassement est fatal. Mais je ne peux pas faire autrement. L’expérience se révèle périlleuse, mais libératrice !

 

10h - Nous accueillons le public qui se masse aux entrées de la salle, et vient s’installer sur les fauteuils du Centre Culturel, encore emballés dans leurs plastiques protecteurs. La salle devient vite comble, une centaine de personnes, peut être plus. Au fond, que des filles voilées. Sur le milieu, des garçons en uniforme. Il s’agit d’une école. Sur les premiers rangs, je m’accroche au regard de Nesrine, à celui de Pauline, de Lindsay, qui nous sourient et semblent heureuses de nous voir en faire des caisses. Sur le côté, Abdul et Anouar sont aussi venus nous voir. Nous jouons devant une majorité de gens qui ne comprennent pas le français, des extraits de poèmes de Rimbaud, des passages d’articles de journaux et de lettres du 19ème siècle, dans une langue soutenue. Heureusement, nos capacités d’improvisation et d’interaction détendue avec le public nous permettent d’accrocher les spectateurs, qui ne déscotchent pas de nos « bohémienneries ». Tout se passe bien.

 

11h - Nous sommes mitraillés par des photographes. Des cameramen de la télévison locale nous demandent une interview en anglais. Alan me laisse répondre. Je leur explique comment pour nous, enfants de Charleville, c’est émouvant de venir ici, car ça nous permet de mieux comprendre le silence de Rimbaud sur les dernières années de sa vie. A vivre cette vie ici, avec les Harari, nous savons maintenant pourquoi il n’avait plus besoin d’écrire de poésie. Il la vivait, tout simplement. Après cette expérience, il y a désormais un lien d’amour profond qui nous unit aux Harari et à la ville de Harar. Je le verbalise à ce moment là, devant la caméra de KanaTV, et des larmes me montent aux yeux, car je réalise que dans quelques heures seulement, nous allons devoir partir et quitter ce monde parallèle, unique. La seule consolation que je trouve réside dans l’impatience de relire les lettres du Harar de Rimbaud. Les relire pour les saisir à nouveau, à la lumière de tout ce qu’on vient de vivre ici.

 

 

 

En Rimbaldie

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