Journal d'Ethiopie

19h – Maison Rowda, vieille ville d’Harar

 

Nous sommes logés au cœur de la vieille ville, chez l’habitant, dans une maison traditionnelle. La maison Rowda. Elle date de plusieurs siècles. Elle est typique des maisons de la vieille ville d’Harar. L’entrée discrète depuis la ruelle donne sur une cour principale, d’où se distribuent les différentes pièces, le salon, les salles d’eau et les chambres. Les femmes qui vivent là, dont notre hôte Khadija, sont toujours occupées à une tâche ménagère : balayer le sol ou les tapis, laver du linge, nettoyer la cour, cuire du blé, faire des crêpes, des beignets au miel ou du café… Une fois par jour, Khadija s’assoit devant la télévision pour regarder une télénovella turque. Chaque jour elle est habillée différemment. Sa beauté, encerclée d'un ample voile coloré autour de ses cheveux, me pique les yeux.

 

 

Le café est un vrai rituel de vie en Ethiopie. C’est un moment où il est possible de se recueillir chacun pour soi. On le boit après purification de l’air par un encens spécial. Il s’accompagne de pop corn non sucré et de quelques feuilles d’Adan, une plante très odorante, qui peut servir à se frotter les mains autant qu’à aromatiser la boisson corsée et peu sucrée. On boit en silence, assis en tailleur sur les tapis de la pièce principale, qui se divise en différents niveaux.

 

Le niveau le plus élevé est réservé aux hommes les plus âgés et aux invités, c’est là que nous mangeons. Le niveau intermédiaire est pour les femmes et les hommes plus jeunes de la maison. Le niveau au sol, lui aussi entièrement recouvert de tapis, est pour les enfants. Du mur qui donne sur la cour dépassent des poutres en bois sculpté. Si une femme est à marier dans la maison, un tapis est posé sur les poutres. Ici, c’est le cas. Toute la vaisselle, celle du quotidien, comme celle des mariages, est accrochée au mur, pour qu’on voit la richesse de la famille qui habite là. La poterie est un artisanat très développé en Ethiopie, un métier exercé par les juifs. Certains plats, les plus prisés, sont en céramique noire mat. Il y a de nombreux vases ou amphores pour entreposer du grain, ou de l’argent. Ils servent aussi à communiquer des informations parfois intimes, selon si le couvercle en feuilles tressées, de forme phallique, est levé ou baissé. La maison est partie intégrante de la vie de la famille, de même que ses objets, qui se transforment selon les situations. Elle indique, elle suggère, elle évoque les événements, les changements hiérarchiques, les naissances, les décès, les mariages, les malades… La maison parle plus que les personnes qui l’habitent pour raconter ce qui se passe dans le foyer. Les Harari sont des gens réservés, qui ne se livrent pas par les mots. Ils laissent leurs maisons parler à leur place. 

 

 

Mardi soir – dans le lit de la Maison Rowda

 

La ville a été un territoire indépendant régi par une même famille d’émirs depuis le 9ème siècle, jusqu’au début du 20ème. Cette autonomie historique a façonné ses habitants et ses coutumes d’une manière unique.  Elle est considérée comme la quatrième ville sainte de l’Islam, car ses habitants se sont tournés très tôt vers les préceptes de Mahomet (déjà de son vivant, et ils auraient aussi recueilli les filles du prophète en exil). Dans la vieille ville, on dénombre plus de 80 mosquées, ainsi que de nombreux sanctuaires et mausolées religieux. Les différentes ethnies qui la composent (Oromo, Amhara, Tigray, Afars…) vivent là en paix depuis des siècles. D’origine sémitique, le dialecte Harari parlé par « les gens de la ville » (ainsi se définissent les habitants de Harar) empreinte à l’arabe, et viendrait d’une langue axoumite ancienne, aujourd’hui disparue. On puise là, au cœur de la vallée du Rift, aux racines de l’humanité. C’est aussi dans cette ville qu’est né au début du 20ème siècle Haylé Sélassié, prénommé au départ Ras Tafari, qui sera gouverneur de Harar avant d’être couronné dernier empereur d’Ethiopie, et de devenir un homme politique remarquable sur la scène mondiale, qui a aussi été « élu » comme prophète par les rastafariens. L’endroit est légèrement chargé…

 

 

Mercredi 18 octobre - midi 

 

 

 

 

 

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