Journal d'Istanbul

 

18 novembre 2018 (les mosquées)

 

En regardant les mosquées omniprésentes dans le paysage de la ville, je me disais qu’il y a dans leur architecture une alliance érotique, la représentation symbolique de la puissance d’un coït. J'y vois très distinctement la rondeur féminine - les seins-coupoles - qui se frotte au phallus dressé - le pénis-minaret. Je ressens dans son dessin une célébration de l’alliance sexuelle du féminin et du masculin, cette "connaissance" qui crée et enfante, une évocation de l'œuvre naturelle, divine, de la procréation. 

 

La beauté des mosquées me touche : il y a en elles la rondeur, la douceur, des courbes féminines que nos églises n'ont pas. Elles dégagent un érotisme qui rappelle l'extraordinaire beauté des femmes quand elles se donnent. 

 

Mais, du matin au soir, en déambulant dans la ville, je croise des femmes voilées intégralement. Ici et là, je vois des formes noires qui suivent comme leurs ombres des hommes barbus, fiers, arborant une nonchalance déconcertante. Et à chaque fois, je ne m'empêcher de m'interroger: comment peut-on aimer une femme, et, au nom de cet amour, la voiler des pieds à la tête, la cacher, la rendre si effrayante, et faire d'elle, de sa personne, une masse noire inquiétante ? Le niquab est facteur d’angoisse pour moi, car inévitablement, je me projette dedans, enfin dessous, enfermée sous ce tissu sombre, oppressant, qui recouvre le nez, la bouche, les oreilles. Comment font-elles pour respirer, manger, boire, simplement vivre, sous cette contrainte ? L'amour, ou l'honneur d'une femme, valent-ils de vivre de cette manière ? C’est une conception vrillée de l’amour. Il y a méprise sur l'essence de l'honneur, sur l'expression de l'amour. 

 

Je suis toujours ahurie de constater que la religion est assez puissante pour que des hommes exigent que leurs femmes annulent sous une couverture obscure leur présence au monde. Je me demande aussi comment ces femmes peuvent sérieusement subir sans se rebeller, accepter, ou souhaiter, de se retrancher ainsi des autres, comment elles peuvent refuser de partager la douceur de leur formes, l’évidence physique de leur peau, de leur bouche, de leurs cheveux, de leurs hanches… Quel formatage faut-il subir pour en arriver là ? Dieu n'a-t-il pas créé lui-même ce corps qu'on cache ? N'a-t-il pas créé de sa propre intelligence les femmes belles, douces, attirantes ? Et le niqab fait de la plus belle créature du règne vivant une masse noire informe et monstrueuse. Comment l’humain peut-il se permettre de gribouiller de la sorte la plus belle oeuvre d’art de Dieu ? Cette aberration, à mes yeux, rend la femme effrayante et repoussante. La panique des hommes n’en est que plus visible : eniquabée, la femme fait peur au monde, comme elle fait peur aux hommes. 

 

Homme, c’est une femme qui t’a enfanté, c’est dans son ventre rond que l’univers, que Dieu t’a semé, c’est par sa vulve que tu es sorti. C’est à son sexe, à son vagin, à son utérus, que tu dois ta vie de pacha barbu. Et ce que tu veux cacher, ce que tu veux nier, c’est ta propre impuissance à créer, c'est ta propre origine. Ce que tu brandis par le voile et le niqab, c’est un blasphème, une insulte à l’intelligence divine. C’est toi qui devrais te cacher dans les ténèbres, et finir en enfer.

 

...

 

J’ai finalement renoncé à visiter Sainte Sophie, puisqu’on exige des femmes qui entrent dans la mosquée de voiler leurs cheveux. Mes cheveux ne sont pas une insulte à Dieu, ni une offense à la splendeur du temple. Mes cheveux existent, autant que les barbes que les hommes portent si fièrement. Ce sont des atomes, des cellules, ils sont vivants, ils poussent, ils grandissent avec moi, ils sont beaux, j’en prends soin chaque jour. Ils accompagnent tous mes gestes, ils font partie de moi, comme mes bras, mes jambes, mes poumons, ou mon nez. Et je n’ai pas à cacher ou couvrir une partie de moi pour exister, pour déambuler, dans un temple ou ailleurs. Si Sainte Sophie, symbole multiséculaire de la connaissance sacrée, exige des femmes qu’elles se cachent, qu’elles se couvrent, pour pouvoir la contempler, alors Sainte Sophie ne mérite plus qu’on la regarde. Et ainsi la beauté, des femmes comme la beauté des temples, est souillée. Les hommes qui ont décidé cela ont dévoyée la femme et le temple. Qu’ils s’arrangent avec leur conscience. Nous sommes entières, telle que Dieu nous a faites, telles qu’il nous a voulues, et c’est ainsi que nous choisissons d'aller dans le monde, sans masque, ni voile. A les laisser faire, ils iront jusqu'à couvrir les coupoles des mosquées d'un voile noir... 

 

... 

 

Femme, rebelle-toi, de tes cris, des tes griffes, de tes cheveux arrachés à la lumière du soleil, de ta force de génitrice, refuse qu'on te cache au ciel qui t'a fait naître. L'univers est à toi plus qu'à eux, car tu es le vrai Dieu. Tu es la créatrice de ceux qui te maltraitent. Reprends tes droits, reprends ta place, toi seule a le pouvoir de donner la vie aux hommes sur cette terre. 

 

 

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