Journal d'Istanbul

 

16 novembre 2018 (au Musée)

 

Visite du Musée Archéologique d’Istanbul. Sur une pierre de l’antiquité, cette phrase sculptée : « TU SAIS QUE SEULE LA MORT REGNE SUR LES VIVANTS » Dès l’entrée, c’est un défilé de sarcophages et d’ostéothèques, déterrés de diverses nécropoles. Les sculptures, les bas-reliefs montrent les visages d'un autre temps. Diffèrent-ils de ceux d'aujourd'hui? Ces galeries de portraits sont comme les photos qui se trouvent dans mon Iphone. Des séries d’images, pour fixer des souvenirs, et ne pas oublier ceux qui nous entourent. Combien d’humains sont passés par les siècles ? Combien d’intrigues ont-ils jouées ? Combien de baisers ont-ils échangés ? Combien de caresses ont-ils données, et reçues ? Combien de colères et d'émotions ont-ils exprimées ? Egyptiens, Grecs, Romains, Perses, Ottomans, Barbares, Envahisseurs, Etrangers, Migrants. Le mélange est incessant, les preuves sont constantes dans l'histoire. Comment peut-on prétendre être l’un ou l’autre seulement ? Nous sommes tous ces visages à la fois, nous sommes toutes leurs histoires, leurs pensées, leurs douleurs, en nous circule une part de leur sang cycliquement brassé, ils sont les racines, figées dans la pierre, et nous les branches qui s'agitent dans le vent. 

 

Toutes ces pupilles, ces sourcils, ces bouches, ces mains de marbre ou de pierre parlent, palpitent, pulsent encore, on entend presque leurs voix, si on veut bien écouter. Le passé des civilisations éteintes frétille, respire, fourmille de vie. J’ai eu envie d’embrasser leurs lèvres entr'ouvertes, pour mieux sentir leurs vies passées. Elles m’appelaient. Je les entendais. Au détour d'un couloir, c'est enfin Sapho qui m’a harponnée. Un fil invisible nous tient attachée l’une à l’autre. Sans elle, je ne serais peut-être pas moi-même. 

 

Le musée est une ôde à la vie humaine dans ce qu'elle a fait de plus beau. 

 

 

Puis la salle des céramiques m'a happée, kidnappée. L'émail qui m’avait mise à terre la veille au hammam a soigné ici mes blessures. Ses couleurs m’ont apaisée. L’ocre, le bleu, l’or, le turquoise des différentes ères d’exploration de l’argile ont pansé mes plaies. Je ne voulais plus sortir de ce monde de couleurs et de formes qui m'enveloppaient. Je me suis surprise à fondre devant des assiettes, à frissonner devant des tasses, à m'extasier devant toutes sortes de récipients. Et j'ai pensé: je veux remplir, recouvrir ma vie de céramiques, apprécier leur fraicheur par les soirs de canicule, contempler leur couleurs au lever du soleil, sentir chaque jour leurs caresses délicates. La fontaine de vie et son paon doré m’ont provoqué un vertige, un syndrome de Stendhal. J’en ai eu le souffle coupé. La céramique sublime la terre glaise : de la vase au vase, l’origine de la vie est sanctifiée. C’est de l’alchimie, un art majeur : la vaisselle, les fontaines, les fresques de céramique s’inscrivent pour moi désormais au sommet de l’émotion artistique. C’est une profonde et intense découverte qui me ravit.

 

 

 

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