L'île

J'ai redécouvert Lille avec ma nièce, à dix ans de distance. J'ai quitté cette île où échouèrent mes années d'études il y a exactement dix ans. Je ne m'imaginais alors pas qu'un jour, ma petite nièce que j'ai vue grandir, me la ferait voir comme une ville nouvelle, une ville que je ne connais plus. 

 

Le vieux Lille a fort changé. Aucun des bars que je fréquentais n'a gardé les noms mythiques dont je me souviens à peine. De nouveaux chemins de traverse se sont ouverts, que nous ne pouvions imaginer arpenter à l'époque. De nouvelles perspectives aussi, sur les bâtiments, qui étaient délabrés de mon temps, et qui resplendissent aujourd'hui, dans leur écrin de briques propres. 

 

C'est en cela que l'on voit qu'une ville est un être vivant. Comme ma nièce qui avait huit ans quand j'ai quitté Lille et qui y emménage maintenant comme une jeune femme pleine d'avenir, la ville a pris dix ans de croissance et de splendeur. Elle a éclos, elle s'est épanouie, et le temps des friches, des maisons abandonnées et des lieux désaffectés en attente de projet, est bien révolu. 

 

Nous avons mangé "Aux moules", ce restaurant là, véritable institution lilloise, est resté. Les noms de rues, les arrêts de métro, les noms de quartiers me reviennent en pleine gueule. Je les avais rangés quelque part dans un tiroir, et d'un coup ce tiroir s'ouvre et tous ces noms s'en extirpent, comme pour me dire: "nous, nous sommes toujours là!". Rihour, Nouveau siècle, Solferino, Rue Nationale, Place Catinat, Vauban, Rue Colbert, Moulins, Wazemmes, Molinel, Rue de Béthune, l'arrêt Port de Lille, Montebello, Pont de Bois, République Beaux Arts, Gambetta, et les théâtres: le Prato, le Sébasto, les lieux d'expo comme le Tri Postal, la Gare Saint Sauveur, les titres des journaux: le Ch'ti, le Presto. Tout un monde de mots oubliés, un foisonnement qui reste, au-delà de moi et de ma mémoire chancelante, en ébullition constante. 

 

Il y a des choses qui ne changent pas, des repères qui restent intactes: Gilles Defacques, Stuart Seide, Martine Aubry, ils sont toujours à la même place dix ans après, ils gardent le haut du pavé, ils ont pignon sur rue, comme on dit. Les étudiants sont toujours là eux aussi, avec leurs vélos, leurs vestes oversize, leur air de tout savoir. Et moi je me perds encore en voiture, je roule toujours au flaire, en confiance avec ma boussole intérieure. 

 

Et s'il me semble avoir vécu plusieurs vies depuis que je suis partie d'ici, je crois qu'au final, j'en suis toujours au même point: toujours seule, toujours paumée, si peu sûre d'être sur la bonne route, au sens propre comme au figuré, avec les mêmes doutes et la même perplexité sur le futur qu'autrefois. Toujours aussi pauvre que lorsque j'étais étudiante. 

 

 

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